Chute d'un rocher, accident d'escalade et force majeure
ACTUALITE JURIDIQUE
Un guide de haute montagne et son accompagnateur ont été victimes d’un accident alors qu’ils évoluaient ensemble sur une paroi d’un site d’escalade, ayant fait l’objet d’une convention conclue entre la commune et la Fédération française de la montagne et de l’escalade (FFME).
En application de cette convention, la commune confie la garde du rocher d’escalade à la FFME, alors autorisée à en faire usage en vue de la pratique de l’escalade, sous l’engagement de l’entretenir en bon état et de veiller à la sécurité des usagers et des tiers.
L’accident a été provoqué par la chute d’un rocher s’étant détaché de la paroi, sur laquelle les victimes progressaient, et a entraîné la chute du guide, causant de graves blessures à ce dernier ainsi qu’à son accompagnatrice.
Les victimes assignent en responsabilité et indemnisation la FFME et son assureur sur le fondement des articles 1382, 1383 et 1384 anciens du code civil, c’est-à-dire sur le fondement de la responsabilité pour faute et sur le fondement de la responsabilité du fait des choses (aujourd’hui prévue par les articles 1240 et suivants du Code Civil depuis la réforme du droit des obligations).
La cour d’appel estime que la FFME ayant conservé la garde de la voie d’escalade, ne pouvait pas se prévaloir d’une cause d’exonération de la responsabilité de plein droit pesant sur elle, en application de la responsabilité du fait des choses : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde« ).
En effet, dans ce cas, l’absence de faute du gardien n’a pas d’incidence sur la mise en oeuvre de cette responsabilité. Une jurisprudence ancienne et constante rappelle que la présomption de responsabilité établie par l’ancien article 1384 du Code Civil (repris à l’identique par l’article 1242), à l’encontre de celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui, ne peut être détruite que par la preuve d’un cas fortuit ou de force majeure ou d’une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable, et il ne suffit pas de prouver qu’il n’a commis aucune faute ou que la cause du fait dommageable est demeurée inconnue (Cass ch. réun., 13 févr. 1930, Jand’heur: GAJC, 11e éd., no 193; DP 1930. 1. 57; Civ. 2e, 20 juill. 1981, no 80-10.450 ; 4 juin 1984: Gaz. Pal. 1984. 2. 634).
Ainsi, les juges du fond ont relevé qu’aucun élément ne permettait de retenir une cause étrangère, le fait d’un tiers ou de la victime présentant les caractères cumulés d’extériorité, d’imprévisibilité et d’irrésistibilité (c’est-à-dire les caractères de la force majeure), et que la faute des victimes n’était pas alléguée. Enfin, le fait d’un tiers ayant concouru à la production du dommage, dont la charge de la preuve pèse sur celui qui s’en prévaut, n’était pas établi.
Les juges ont enfin précisé que le détachement du rocher résultant du vice même de la paroi, et donc du caractère intrinsèque de la chose, la FFME n’était pas fondée à se prévaloir d’un cas fortuit ou de force majeure, raison pour laquelle la FFME est condamnée à réparer l’intégralité de ses conséquences dommageables in solidum avec son assureur.
La Cour de cassation considère qu’en l’état de ces constatations, il importe peu de connaitre la cause exacte de la chute du rocher, puisque les juges du fond ont pu retenir que cette chute avait pour origine le vice même de la paroi.
Le pourvoi est donc rejeté dans un arrêt du 16 juillet 2020, qui fait une application classique de la responsabilité du fait des choses.
Source : LEGALNEWS 5 mars 2021
En photo : escalade sur cascade de glace à Anzère (canton du Valais, Suisse)
L'auteur
Avocat