Compétence territoriale et demande d'expertise fondée sur l'article 145 du CPC

Le 05 octobre 2020 par ,

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ACTUALITE JURIDIQUE

Un arrêt rendu par la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation en date du 2 juillet 2020 rappelle la règle appliquée par la jurisprudence sur la compétence territoriale du juge saisi sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, en l’absence de règle codifiée.

En l’espèce, et dans le cadre d’un appel d’offres d’une société ayant son siège à Paris, un candidat au rachat assigne le cédant devant le président du tribunal de commerce de Lyon aux fins de voir ordonner, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, une mesure d’instruction. Le défendeur soulève une exception d’incompétence territoriale et le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon s’est déclaré incompétent. Appel est interjeté et l’appelant prétend que l’une des mesures sollicitées dans la mission (en l’espèce des auditions menées par expert) devait être exécutée dans le ressort du tribunal de commerce de Lyon. Il s’agissait, pour l’appelant, du fondement lui permettant de saisir le président du tribunal du lieu de l’exécution de l’une au moins des mesures sollicitées. Mais la Cour d’Appel rejette cet argument, en considérant que les règles de compétence territoriale ne devaient pas dépendre des seules intentions stratégiques exprimées par la société candidate, et ce alors que la société cédante avait tout intérêt à relever de son juge naturel, dont la proximité géographique entraînait pour elle des frais moindres, notamment en ce qui concernait les modalités d’exécution de la mesure et leur contrôle.

Un pourvoi est formé devant la Cour de Cassation, et la société candidate au rachat estimait que le juge territorialement compétent pour statuer sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile pouvait être le président du tribunal dans le ressort duquel les mesures d’instruction in futurum sollicitées devaient, même partiellement, être exécutées.

La Cour de Cassation rejette le pourvoi, et indique qu’en application des articles 42, 46 et 145 du code de procédure civile, le juge territorialement compétent pour statuer sur l’article 145 du CPC est le président du tribunal susceptible de connaître de l’instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d’instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées.

Mais en l’espèce, le siège social de la société cédante était à Paris et seul l’un des points de la mission sollicitée était susceptible d’être exécuté dans le ressort du tribunal de commerce de Lyon, mais que ce point n’avait pas nécessairement à être effectué dans le ressort de Lyon, et alors que les autres points pouvaient l’être par l’expert au lieu qu’il choisirait. La Cour de Cassation en tire pour conséquence que le président du tribunal de commerce de Lyon était donc bien incompétent pour statuer sur la requête formée par la demanderesse.

En matière de mesures d’instruction in futurum (article 145 du CPC), la jurisprudence a comblé les silences des textes en précisant la compétence territoriale : est compétent pour connaître d’une demande fondée sur l’article 145 soit le président de la juridiction appelé à statuer au fond, soit celui du lieu où devait être exécutée la mesure (Civ. 2e, 10 juill. 1991, n° 90-11.815, Bull. civ. II, n° 223 ; 17 juin 1998, n° 95-10.563, Bull. civ. II, n° 200).

Il existe donc une option de compétence laissée au demandeur, et cette solution s’applique tant en matière de référé qu’en matière de requête. La Cour de cassation considère bien que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur l’article 145 du CPC est le président du tribunal susceptible de connaître de l’instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d’instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées (Civ. 2e, 15 oct. 2015, nos 14-17.564 et 14-25.654, Bull. civ. II, n° 233 ; Com. 13 sept. 2017, n° 16-12.196, Bull. civ. IV, n° 113Civ. 1re, 14 mars 2018, n° 16-27.913).

Cette option peut s’avérer pratique pour les usagers du droit, puisqu’elle permet au demandeur de disposer d’une alternative selon les besoins de la cause (proximité de la date d’audience selon la juridiction, proximité géographique de la juridiction, effectivité de la mesure…).

Mais en l’espèce, un seul des points de la mission sollicitée devant le juge pouvait relever du ressort du tribunal de commerce de Lyon et même s’il y avait bien une pluralité de lieux d’exécution, cette mesure n’avait pas « nécessairement » à être effectuée dans un lieu particulier, et donc sur le ressort de Lyon. Or, la jurisprudence sur la compétence territoriale alternative évoque le ressort dans lequel les mesures « doivent », même partiellement, être exécutées.

Source : Dalloz actualités du 15/09/2020

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