Le droit à l’oubli face au droit à l’information

Le 04 août 2020 par ,

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ACTUALITE JURIDIQUE

Les informations et contenus qui sont publiés sur internet peuvent être conservés pour une très longue durée. Même après de nombreuses années, les moteurs de recherche retrouvent encore des informations sur les personnes qui s’y trouvent, ce qui peut être assez désagréable pour celles-ci. Afin de préserver les droits des personnes dont les informations se retrouvent ainsi sur la toile, l’Union Européenne, à l’article 17 RGPD, a consacré le droit à l’effacement (« droit à l’oubli »). Il est ainsi reconnu à la personne concernée le droit d’exiger que les données la concernant soient immédiatement supprimées.

Dans deux procédures intentées contre le géant d’internet Google et mettant en lumière ce « droit à l’oubli », le BGH (Cour fédérale de justice allemande) s’est prononcé le 27 juillet dernier. Il a jugé que le droit de la personnalité ne prime pas toujours. Il a estimé qu’il n’y a pas de présomption que les intérêts de protection de la partie concernée soient prioritaires sur le droit du public à l’information.

Dans la première affaire (VI ZR 405/18), un ancien directeur d’une organisation caritative a poursuivi Google en exigeant qu’il empêche certains articles de presse portant son nom d’apparaître dans son moteur de recherche. Un article de presse datant de 2011 a rapporté les faits selon lesquels l’organisation était déficitaire et que le directeur s’était préalablement mis en arrêt maladie en mentionnant son nom complet. La maladie du directeur n’avait pas été précisée dans les détails de telle sorte que son droit de la personnalité n’avait donc pas été violé. Dans sa décision, la Cour a pesé entre l’intérêt du directeur à ce que cette information soit effacée et l’intérêt que pouvait présenter cette information pour le public. Elle a estimé que les droits fondamentaux du directeur passaient au second plan par rapport aux intérêts du moteur de recherche et aux intérêts de ses utilisateurs, du public et des organes de presse responsables des articles de journaux liés, même en tenant compte de l’écoulement du temps. Par conséquent, les résultats qui ont fait l’objet de la demande peuvent continuer à figurer dans la liste des résultats si le nom du demandeur est recherché sur Google.

Cette décision contient par ailleurs un autre point important à savoir que le responsable d’un moteur de recherche ne doit pas agir uniquement lorsqu’il a connaissance d’une atteinte évidente et, à première vue, clairement reconnaissable aux droits de la personne concernée.

Dans la deuxième affaire (VI ZR 476/18), il s’agissait d’un couple qui propose des modèles d’investissement par le biais de différentes entreprises. Leur modèle d’investissement avait fait l’objet d’un rapport critique sur un site web américain. Ce site avait même publié des photos du couple. Ce couple souhaitait également que Google cesse de répertorier les articles de ce site web. Selon ce couple, le site américain serait douteux, publierait d’abord des informations négatives sur les entreprises et proposerait ensuite de supprimer ces informations contre de l’argent. Contrairement à la première affaire, ici la véracité de ces rapports était contestée. Les juges ont suspendu cette procédure afin que les questions centrales posées par cette affaire soient d’abord clarifiées par la CJE.

Avec ces affaires, on constate que le droit à l’oubli est une question qui demande une appréciation au cas d’espèce en fonction des différents intérêts à protéger. De plus, on se rend compte que les informations diffusées sur les plateformes numériques ne peuvent pas être balayées d’un revers de la main même après de nombreuses années.

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