Mayotte et les suites de Chido : à propos de l’état de calamité exceptionnelle et de l’état de catastrophe naturelle

Le 19 décembre 2024 par ,

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ACTUALITE JURIDIQUE

Le samedi 14 décembre 2024, le cyclone Chibo a ravagé l’île de Mayotte et rayé de la carte le bidonville de Kawéni, où vivaient 20 000 personnes environ. Pour l’instant, le bilan est de plus de 30 morts et d’environ 1300 blessés, mais il risque d’être bien plus lourd compte tenu de l’extrême précarité des logements, pour l’essentiel composés de tôles. Les 221 écoles, 22 collèges et 11 lycées de l’archipel sont impactés et pour la plupart inutilisables. Par décret 2024-1184 en date du 18 décembre 2024, l’état de calamité exceptionnelle vient d’être activé sur l’île de Mayotte. Il s’agit d’une disposition tout-à-fait particulière, sur laquelle il est nécessaire de se pencher, tout comme il paraît indispensable d’examiner l’état de catastrophe naturelle puisque les inondations du mois d’octobre 2024 ont conduit au placement de 11 départements en état de telle catastrophe. Dans les deux cas, il s’agit de procédures qui permettent une indemnisation accélérée selon des dispositions particulières et sous condition préalable de constatation de la calamité exceptionnelle ou de la catastrophe naturelle.  

 

I – La calamité exceptionnelle

A – Qu’est-ce qu’une calamité exceptionnelle ?

L’article 239 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration, dite loi 3DS, dispose que l’état de calamité exceptionnelle est caractérisé lorsqu’un aléa naturel d’une ampleur exceptionnelle a des conséquences de nature à gravement compromettre le fonctionnement des institutions et présentant un danger grave et imminent pour l’ordre public, la sécurité des populations, l’approvisionnement en biens de première nécessité ou la santé publique.

 

Le dramatique exemple mahorais est une illustration de l’état de calamité exceptionnelle ; on peut y ajouter un phénomène de tsunami, un typhon, une tempête d’une exceptionnelle ampleur, voire une inondation, étant observé que la loi du 21 février 2022 exige deux conditions : le caractère naturel et le caractère exceptionnel.

 

Il est très difficile de donner d’autres exemples puisque le placement sous état de calamité exceptionnelle de l’île de Mayotte est une première dans l’histoire de France.

 

B – La procédure d’état de calamité exceptionnelle

L’état de calamité exceptionnelle est arrêté par décret du ministre des Outre-mer. Le décret du 18 décembre précité est ainsi libellé : « Article 1. L’état de calamité naturelle exceptionnelle est déclaré à compter du 19 décembre 2024, à zéro heure, sur l’ensemble du territoire du Département de Mayotte, pour une durée d’un mois ». 

 

Si la durée fixée par le décret est d’un mois, elle peut être renouvelée par période de deux mois.

 

Concrètement, le territoire est placé sous le signe de l’extrême urgence, ce qui signifie :

-. La suspension des délais administratifs fixés par une loi pour permettre à l’État et à toutes les collectivités de prendre des décisions qui peuvent l’être immédiatement ;

 

-. Une présomption de force majeure : une situation est considérée comme étant constitutive de force majeure lorsqu’elle résulte d’un événement irrésistible, imprévisible et extérieur à celui qui l’invoque. En principe, il appartient à celui qui s’en prévaut de la démontrer : le dispositif de l’état de calamité exceptionnelle rend cette preuve inutile puisque la force majeure est présumée ;

 

-. À cet effet, et selon les termes de la loi, pour l’application « des dispositions légales et réglementaires nationales mises en œuvre par les autorités publiques pour rétablir le fonctionnement normal des institutions, l’ordre public, la sécurité des populations et l’approvisionnement en biens de première nécessité ainsi que pour mettre fin aux atteintes à la santé publique », il n’est pas nécessaire de constater préalablement une situation de force majeure.

 

L’état de calamité exceptionnelle n’est pas incompatible avec l’état de catastrophe naturelle, qui est plus axé sur la question des indemnisations et sur lequel il convient donc de se pencher.

 

II – La catastrophe naturelle

A – Qu’est-ce qu’une catastrophe naturelle ?

Juridiquement, l’article L.125-1 alinéa 3 du Code des assurances issu de la loi 82-600 du 13 juillet 1982 considère « comme les effets des catastrophes naturelles (CATNAT), .//., les dommages matériels directs « non assurables » ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises… »

 

Concrètement, ont été ainsi qualifiés de catastrophes naturelles les tremblements de terre, inondations, sécheresse, glissements de terrain, avalanches, action mécanique des vagues, inondations consécutives aux remontées de nappe phréatique d’une ampleur moindre que celles qui pourraient justifier l’activation de l’état de calamité exceptionnelle.

 

En France, il s’est agi le plus souvent, tout comme au mois d’octobre, d’inondations d’une ampleur exceptionnelle ayant généré des crues tout aussi exceptionnelles, ce qui a justifié le placement sous état de catastrophe naturelle de 11 départements : Alpes-Maritimes, Ardèche, Corrèze, Essonne, Eure-et-Loir, Loire, Haute-Loire, Loire-Atlantique, Lozère, Rhône et Yvelines.

 

B – La procédure d’état de catastrophe naturelle

C’est un arrêté interministériel (le dernier en date a été pris par le Ministre de l’économie, le Ministre de l’intérieur et des Outre-mer et le Ministre délégué auprès du Ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté numérique) qui détermine l’état de catastrophe naturelle.

 

Il doit être précédé du recensement, par le maire d’une commune frappée par l’événement, de l’ensemble des dommages subis et de l’établissement d’un rapport descriptif de l’événement transmis au préfet.

 

Le préfet transmet au Ministre de l’intérieur, qui consulte une commission pour que l’arrêté interministériel puisse être édicté.

 

Après sa parution au journal officiel, si vous êtes victime d’un sinistre qui relève de la catastrophe naturelle, vous devez procéder à une déclaration de sinistre auprès de votre assureur dans un délai de 10 jours à compter de celui où vous serez informé par le maire de l’état de catastrophe naturelle.

 

L’indemnisation doit intervenir dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’arrêté interministériel au journal officiel, mais sous la triple condition suivante :

-. En premier lieu, vous devez avoir souscrit une garantie catastrophes naturelles, qui se trouve, en principe, dans votre contrat d’assurance ;

 

-. En deuxième lieu, le montant de l’indemnisation ne peut excéder celui de la garantie principale, disposition en général très mal acceptée par les victimes de sinistres ;

 

-. En troisième lieu, des franchises resteront à la charge de l’assuré, qui varieront selon l’importance de la catastrophe et son caractère plus ou moins variable.

 

 

Il est donc indispensable de souscrire un contrat garantie catastrophes naturelles si vous vous trouvez dans une zone à risques, voire même de le souscrire systématiquement.

 

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