Le contentieux des locations avec option d’achat (LOA)

Le 17 avril 2025 par ,

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Depuis quelques années, l’on assiste à une surprenante progression des locations avec option d’achat, du crédit-bail, et autres leasings qui ont quitté l’arène des professionnels pour investir les rues des villes et les espaces privés. Le cap a été franchi en 2022 où plus d’un véhicule sur deux (52,4 %) s’est trouvé placé sous le régime de ce que l’on appelle de manière générique les Locations Longues Durées (LLD) ; pour mémoire, ce chiffre n’était que de 30 % en 2018. Le vocable « location longue durée » est impropre à caractériser les différentes catégories où la location a pour conséquence de dissocier la propriété juridique d’un bien de sa propriété économique. Le crédit-bail ou leasing demeurent l’apanage des professionnels, tandis que les consommateurs se sont emparés avec gourmandise de la location avec option d’achat (LOA). Celle-ci peut se définir comme un contrat par lequel un acheteur – en général une société financière spécialisée – acquiert un bien auprès d’un tiers pour le donner à bail à un locataire qui en dispose moyennant le versement de loyers sur une période déterminée à l’issue de laquelle il pourra lever une option pour l’acquérir. La période de versement des loyers est en général de 24 à 72 mois. Commercialement et économiquement, les avantages de l’opération ne sont pas négligeables : le locataire dispose d’un véhicule sans avoir à l’acheter, il accède plus facilement à l’automobile et peut en changer pratiquement à sa guise, en général, les mensualités sont réduites, alors que l’apport personnel est moindre. Juridiquement, c’est une autre affaire à partir du moment où l’opération concerne trois personnes et que l’achat par le propriétaire peut se fondre avec la location par le preneur. Rattaché au code de la consommation (Articles L.331- et s.), qui la considère comme un crédit, la location avec option d’achat est enserrée dans des règles très protectrices générant un contentieux aussi varié que complexe.

I.    LA LOCATION AVEC OPTION D’ACHAT

A.    Conditions de validité

Bien entendu, le contrat de location avec option d’achat doit se conformer à l’article 1128 du Code civil, à savoir le consentement, la capacité, un contenu licite et certain.

L’article L.312-2 du code de la consommation assimile la location avec option d’achat à un contrat de crédit au sens de l’article L.311-1, ce qui fait qu’en vertu des articles L.312-1, L.312-2 et L.312-28 du même code, le contrat doit être conclu par écrit. La redondance du rappel à l’écrit faite par ces textes n’est pas anodine : l’écrit est une condition de validité du contrat de location avec option d’achat.

B.    Mentions obligatoires particulières

À côté des mentions classiques relatives à l’identification des parties, au lieu, et à la date, de la signature en plusieurs exemplaires, le code de la consommation exige que le contrat de location avec option d’achat comporte en outre des mentions particulières, à savoir :

–    . La durée de la location, qui doit être déterminée ;

–    . Le montant des loyers et leur périodicité ;

–    .  La mention dans le contrat de LOA d’un taux annuel effectif global (TAEG), soit le coût réel de l’opération de crédit, depuis une directive européenne (UE) 2023/2225 du 18 octobre 2023 ;

–    . Les conditions de l’option d’achat, et en particulier le prix de levée de l’option à l’issue de la période de versement des loyers ;

–    . Les modalités de restitution du bien en fin de contrat pour le cas où l’option ne serait pas levée ;

–    . La mention « un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement » ;

Le non-respect de l’ensemble ou de l’une ou l’autre de ces mentions entraîne la nullité du contrat.

 

II.    LES LITIGES EN MATIERE DE LOA

A.    Le contentieux de la validité du contrat

L’on constate, tout d’abord, des carences concernant la phase publicitaire du contrat où bien souvent la mention « un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager » est absente.

Le montant total du crédit, la durée du contrat de crédit, le montant total dû par l’emprunteur et le montant des échéances ne sont pas toujours strictement indiqués, en infraction avec le code de la consommation.

B.    Le contentieux de la qualification du contrat

La question qui s’est posée est celle de la distinction entre la location avec option d’achat et le crédit-bail. Il est vrai que les deux notions sont très proches puisqu’elles mettent en scène trois protagonistes, où le bailleur achète un bien auprès d’un fournisseur et le loue par la suite au locataire.

Cependant, le crédit-bail n’est pas une location avec option d’achat dans la mesure où l’article L.313-7 du code monétaire et financier ne concerne que les opérations qui portent sur des matériels d’outillage, les biens d’équipement, c’est-à-dire des biens à usage professionnel, contrairement à la location avec option d’achat.

Pour la Cour de cassation, la solution est très claire : l’on ne prend pas en compte la qualité du locataire ou l’usage réel du bien, mais uniquement la destination prévue par le contrat.

C.    Le contentieux de l’interprétation du contrat

La richesse du contentieux se trouve dans les clauses abusives ou illicites.

L’on trouve, par exemple, une clause qui stipule qu’en cas de sinistre total rendant le véhicule irréparable, le consommateur est redevable des coûts de gardiennage, de transport, de remorquage ainsi que d’une indemnité de résiliation, en contradiction avec les dispositions du Code civil.

Certains contrats de location avec option d’achat prévoient une facturation des frais de dépréciation, qui s’assimilent à des frais de remise à neuf, ce qui a pour conséquence l’accroissement du coût total de l’opération de location avec option d’achat et fait supporter, de manière détournée, la charge finale de la dépréciation du véhicule au consommateur.

Le cas s’est également présenté d’une rémunération du vendeur en fonction du type de contrat octroyé, ce qui est rigoureusement interdit.

Dans une autre espèce, à la suite de la résiliation anticipée du contrat de location d’achat et de la vente aux enchères de véhicules, la société de financement a demandé le versement de l’indemnité prévue au contrat au moyen d’une injonction de payer. Sur opposition du particulier, la demande a été rejetée puisque la clause prévoyait la restitution du véhicule loué, ainsi que la faculté pour le locataire de présenter un acquéreur au bailleur dans un délai d’un mois à compter de sa résiliation, ce qu’ exige le code de la consommation.

La Cour de cassation ne l’a pas entendu de cette oreille : elle a estimé que « la clause litigieuse, qui imposait au preneur de restituer le véhicule loué dans les plus brefs délais à compter de la résiliation et l’empêchait ainsi de mettre en œuvre la faculté de présenter un acquéreur, impérativement ouverte par les textes précités, avait pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » (Cour de cassation, 1ère Chambre Civile, 10 avril 2013).

La contradiction entre la possibilité offerte de restituer le véhicule dans le délai d’un mois et l’obligation faite au consommateur de le restituer immédiatement a joué en faveur de ce dernier car elle rendait, de fait, sans portée le délai d’un mois impérativement prévu par le code de la consommation.

D.    Le contentieux de l’exécution du contrat

En cas de défaillance du locataire, le propriétaire est en droit de lui réclamer la restitution du bien et le paiement des loyers échus et non réglés, une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil (ancien), est fixée par décret, et une indemnité de 8 % (code de la consommation, article. L.312-40).

Cette indemnité est égale à la différence entre, d’une part, la valeur résiduelle hors-taxes du bien stipulée au contrat, augmentée de la valeur actualisée, à la date de la résiliation du contrat, de la somme hors taxes des loyers non encore échus, et d’autre part la valeur vénale hors taxes du bien restitué. Par valeur vénale, il faut entendre le prix qu’en retire le vendeur initial, ce qui explique pourquoi le locataire bénéficie d’un délai d’un mois pour vendre le bien par ses propres moyens.

L’indemnité de résiliation est un plafond qui peut être réduit par le juge s’il l’estime manifestement excessif.

Le caractère tripartite de l’opération complexifie les choses lorsque le contrat de vente conclu entre la société de financement spécialisé et le fournisseur est résolu : dans la plupart des cas, une stipulation contractuelle prévoit que le preneur se voit transférer les actions du bailleur contre le constructeur ou le vendeur par le biais d’un mandat d’ester en justice, d’une délégation, d’une stipulation pour autrui, ou d’une cession de créance.

Dans cette même hypothèse, se pose une question complexe, mais désormais classique : l’interdépendance des contrats de vente et de location, qui constitue la majeure partie du contentieux de l’exécution du contrat.

Tous les cas de figure sont à peu près les mêmes : une société conclut d’une part un contrat de location financière avec option d’achat et d’autre part un contrat de maintenance avec deux entités, le tout sous le régime de l’interdépendance. L’une de ces deux entités est placée sous le régime du redressement judiciaire. Le locataire cherche alors à faire déclarer caduc le contrat de location, en raison de son indivisibilité avec le contrat de maintenance (ou de vente d’ailleurs).

Depuis un arrêt du 10 janvier 2024, la Cour de cassation a posé en principe que « lorsque des contrats sont interdépendants, la résiliation de l’un quelconque d’entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres ».

Si l’on a pu qualifier cette solution de rigide, elle a pour mérite de renforcer la notion d’interdépendance dans des arrangements contractuels tripartites. Il est, en effet, difficile de contester que l’exécution de l’un des contrats dépend de la continuité de l’autre. Par conséquent, si l’un des contrats est frappé de nullité en raison de l’impossibilité de son exécution, ou en raison de la disparition d’une condition essentielle, l’autre contrat est frappé de caducité et non pas de nullité.

La solution, qui n’est pas nouvelle, permet de mettre fin à un problème irritant et de faciliter ainsi la circulation des contrats de location avec option d’achat, dont, on l’a vu, le succès ne se dément pas, alors même que la location longue durée (LLD) intéresse de plus en plus les professionnels, ce qui laisse bien augurer de l’avenir de ce type de schéma contractuel, à la fois souple et complexe.

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